Patricia Labache, Artiste Peintre
Citations

Derrière le paysage…

Par Ulrich Marquardt
Historien de l’art, conférencier pour le musée des Beaux Arts de Bochum.

… C’est ainsi que Patricia Labache nomme ses toiles et travaux sur papier et annonce avec le titre de l’exposition une relation claire à la nature, disons plutôt à la nature comme paysage.

Nous reconnaissons, au milieu de l’abstraction pure, des rochers, des pierres, des arbres ou des buissons. L’artiste prend pour thèmes des éléments naturels, non cependant comme détails isolés ou sujets d’étude, mais qu’elle déplace ou délocalise vers des représentations spatiales qui suggèrent quelque chose qui a trait au paysage. Aussi bien ne s’agit-il pas de naturalisme, ni de la reproduction d’un paysage concret ; son dessin cerne en effet, pour cela, de manière trop ouverte, les formes de la nature et elle réalise trop peu une structure de l’espace reconnaissable, trop peu un univers spatial qui eût pu être parcouru pas à pas.

Ayant élu domicile dans la Ville Haute ancienne de Granville, Patricia Labache connaît bien la vue sur le port, sur les bateaux de pêche et autres caractéristiques de sa ville, mais elle ne s’intéresse pas aux topographies concrètes dont elle pourrait faire un tableau. La Haute Ville (et cela frappe n’importe quel visiteur) rend possible deux visions très différentes de la nature, et ce que Patricia Labache choisit est celle d’un regard sur la nature vierge et sauvage. Elle se positionne clairement contre la nature maîtrisée et domestiquée, contre la nature soumise à l’homme et transformée par lui dans le processus de la civilisation qui, comme tel, ne laisse aucune place au naturel.

Si nous nous approchons plus près des œuvres, nous reconnaissons une tendance artistique très claire, un mode de représentation qui tend vers un balancement ou un fragile équilibre entre abstraction et figuration, qui apparaît tout particulièrement, et avec évidence, dans ses œuvres sur toile de grand format.

Un tel équilibre ne peut survenir et se maintenir que si l’approche plastique figurative n’est développée et réalisée de manière graphique, d’une « main d’écriture », si le style de dessin favorise un trait ouvert, « à la recherche », à l’opposé du cerne fermé et qui définit.

Patricia Labache sort délibérément son dessin du mouvement de la main qui écrit (peut-être de tout le corps), elle s’immisce de cette façon dans les choses, relie les mouvements et divers gestes picturaux aux formes figuratives concernées, sans que les uns priment sur les autres.

Une telle attitude, face à la réalisation de l’œuvre, cherche ce qui est « derrière », caché, peut-être l’essentiel ou l’essence, la structure en tout cas d’une nature éternelle, mais peut-être aussi le secret, l’imaginaire, l’invisible.

Patricia Labache génère un univers plastique et pictural varié et fort ambivalent. Nous nous trouvons face à des formes qui sont relativement proches des objets, mais qui soudain opèrent d’eux-mêmes une rupture, atteignent d’autres lieux ou sont mis rythmiquement en parallèle avec leur modèle et semblent agir en toute liberté.

Nous trouvons des formes colorées qui ont un rapport direct avec la figuration et s’arrangent très librement des surfaces qui, par la couleur, sont directement inspirées par le modèle de la nature, parfois à nouveau bousculé, « maltraité ».

L’ambivalence recherchée des formes et des couleurs n’est pas un but qui se voudrai original ; l’artiste se préoccupe plutôt de développer les moyens d’expression propres de la peinture (couleur, forme, composition) de les faire « parler », de les montrer. Et cela ne peut réussir que si elle ne se soumet pas à l’exigence de fidélité à son modèle.
On parlera peut-être ici de hasard ou d’arbitraire, de plaisirs picturaux informels, mais l’artiste maîtrise la grammaire des moyens plastiques – elle connaît les qualités expressives des formes géométriques ou organiques, l’effet des intensités du trait, des rythmes et des valeurs directionnelles, le choix de composition de l’œuvre. Elle sait tout des possibilités de l’ouverture informelle ou de la concentration, et même de celles des épaisseurs et surcharges, des effacements soudains de la main dans le frais. Et tous ces divers aspects et effets « libérés » (libérés de la pure relation figurative au modèle), elle les met en action pour renforcer encore l’allusion à l’objet et conduire celui-ci à une immédiateté et à une spontanéité sensuelles (ce que la figuration pure ne peut faire que très difficilement).

Ainsi articule-t-elle, par exemple, en des formes végétales l’organique naturel, en des mouvements internes, phénomènes de croissance, métamorphoses, transformations, développements graduels. Mais aussi chutes, éclatements, et (surtout quand elle monte ses dessins et peintures vers le noir en accumulant et surchargeant) le mystère, l’insondable.

A côté des lignes et formes qui ont sans doute à voir avec la figuration, à côté des formes purement expressives et libres, nous reconnaissons des lignes et des traces proches de l’informel et de la peinture gestuelle qui surgissent des mouvements internes de l’artiste, suivant un sentiment spontané, peut-être proches de l’inconscient.

Aussi bien (et ce serait le contraire de l’informel), l’artiste refrène-t-elle  ce processus de la peinture en action et suit soudainement les qualités intuitives que lui suggèrent les choses de la nature que celles-ci libèrent. En un mot, elle suit ce que lui souffle sa méditation face à la nature.

Il y a des œuvres qui éclairent de façon presque didactique ce dont la vision est capable quand elle dépasse l’objet et sait s’arranger des différents stades et degrés de l’observation, de la contemplation. L’artiste présente aussi avec clarté les « manières de voir et regarder » en combinant des séries d’œuvres séparées, en les rapprochant, en les assemblant.

Il y a aussi des œuvres délibérément du côté de l’abstraction (pour moi les plus fortes) où les couleurs, les surfaces et les formes n’atteignent aucune fin, ne sont qu’œuvres de rupture, soit recouvertes, soit effacées… puis à nouveau, contre le risque d’une trop grande ouverture picturale, sont « récupérées » in extremis pour ne pas perdre la relation à l’image initiale de la nature.

Mais il s’agit toujours des structures, des structures cachées de la nature …, de ce qui est « derrière », de ce qui n’est d’abord pas visible.

On pense ici à Paul Klee qui a dit : « L’art ne montre pas le visible, il rend visible. »

Réflexions sur les œuvres de Patricia Labache à l’occasion de son exposition « Derrière le paysage » à Granville, Galerie de l’Os, été 2015.

Traduit de l’allemand par Jacques Lacolley

L'artiste

Je ne cherche pas à représenter des éléments de la nature mais à écrire encore et encore cette résonance intérieure, cette trace interne de la relation au monde, chère à Wang Wei, peintre lettré chinois de l’époque Tang, pour lequel la nature ayant forgé les traits de l’homme, peindre celle-ci est le plus sûr moyen d’atteindre l’homme et d’en exprimer l’être profond.

Mon travail est plutôt graphique. Je cherche l’écriture, une écriture première, corporelle, une écriture de geste, de trace, qui pourrait déboucher sur une sorte de vocabulaire.

Je me sens plutôt du côté du dessin, si tant est qu’il faille faire une distinction entre peinture et dessin. Si je cherche une matière picturale, c’est une matière graphique qui procède du trait et de son accumulation, plutôt que d’épaisseur ( dans le cas de la peinture à l’huile ).

Le dessin est au centre de mon travail ; j’utilise souvent le papier dans les petits formats, même quand il s’agit d’huile ( le papier est préparé en conséquence ), l’encre, le fusain, les pastels secs ou à l’huile.

Dans les grands formats à l’huile, le sujet est également  abordé de manière très graphique, et souvent, le fond blanc de la toile enduite demeure visible, comme l’est le blanc du papier dans un dessin. Enfin certains grands formats sont sur papier enduit pour sa texture lisse ; une toile rugueuse retiendrait le geste.

Je cherche un geste à l’opposé du formalisme, sa qualité n’est pas d’être joli même si l’effet pictural est indissociable de l’expression picturale, il doit naître au cœur du corps et au cœur du sens, et venir soutenir ce qui est à l’œuvre dans le tableau.

La roche, les rochers, mais aussi les végétaux, plus récemment, me fournissent en abondance ce vocabulaire de la ligne, du trait, du recouvrement et de l’enchevêtrement, du mouvement en générale même statique, et de la surface bien sûr, transparente ou opaque. C’est dans ce dialogue des éléments de la nature que le sujet advient. Je regarde la nature toute proche; pas de grands paysages, pas de vues pittoresques, pas de ciel, pas d’échelle, encore moins une quelconque liaison avec le local ou le régional.

Bien sûr selon les lieux, car j’aime entrer dans un contact renouvelé avec le motif, les couleurs, les formes, en un mot, le vocabulaire picturale va varier, mais pas le rapport; la quête reste la même.

Le dialogue s’établit le plus souvent dans les interstices de la nature, une nature proche, insignifiante où des drames se jouent loin des manifestations grandioses. Quelques cailloux éparses, des coins de broussailles, des bouts de rivières, et ces figures de rochers dont on pourrait dire qu’il ne sont pas photogéniques, mais dont les rides révélées par la lumière changeante sont l’expression de leur existence.

Patricia Labache, le 17 février 2017.

Expositions

Expositions individuelles

2016
Marie de Voghel vous convie…, cadre privé, Bruxelles

2015
« Derrière le paysage », Galerie de l’Os, Granville (50)

2010
Atelier Patricia Lacoulonche, scénographe et Olivier Barancy, architecte –
Montreuil S/Bois (93)

2009
Galerie L’Echine – Granville (Manche)

2008
« Roches », Chapelle Sainte-Anne – Saint-Pair-sur-mer (Manche)

Expositions collectives

2016
Galerie de l’Os, Granville (50)
« Végétalise », Petit office, Agon-Coutainville (50)

2015
Journée du livre, Mondeville (14)
« Noir et Blanc », Petit office, Agon-Coutanville (50)

2012
« Failles », église de Portbail (50)

2011
Saint-Léon’Art – Vains-Saint-Léonard (50)

2008
4 artistes dans la Halle – Bréhal (Manche)

2007
Espace Cambernon – Granville (Manche)

2006
Espace Cambernon – Granville (Manche)

2004
Ateliers portes ouvertes du quartier Père-Lachaise – Paris 20ème)

Salons

2012
Salon des Lauréats – Les Arts du Val de Vire – Pont-Farcy (Calvados)2009
Salon Les Arts du Val de Vire – Pont-Farcy (Calvados) – 2ème prix de peinture
Salon Arcuviboc – Coulouvray-Boisbenâtre (Manche)
Journée d’art dans la rue – Dangy (Manche)

2011
21ème Salon – Les Arts du Val de Vire – Pont-Farcy (Calvados) – 3ème prix de peinture

2010
Salon des Lauréats – Les Arts du Val de Vire – Pont-Farcy (Calvados)